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Avignon : un Festival 2023 éco-responsable, accessible et inclusif...

De nos jours on se doit d’être, en tout temps et en tout lieu, «  Accessible et inclusif  », «  Éco-responsable.  » Pour mon plaisir, et j’espère pour le vôtre, ces deux impératifs ont été mis en musique dans la très élégante brochure 2023 du Festival :

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Cette somptueuse brochure nous présente la grande avancée du festival : la « Charte partagée avec les équipes artistiques accueillies dans une démarche de coopération…  » qui fait de « La Fabrica, lieu permanent du Festival, un lieu de spectacle vivant inscrit dans la transition écologique. »

J’extrais pour vous quelques détails emblématiques de cette inscription dans la transition écolo : «  mise à disposition de toilettes sèches sur plusieurs sites du festival… une option végétarienne est systématiquement proposée dans la restauration… Des horaires de spectacle et de travail, modifiés pour éviter les périodes de fortes chaleurs… Réalisation de spectacles dans des espaces naturels pour sensibiliser le grand public aux enjeux liés au respect de l’environnement… » Bien entendu, l’électricité verte, la performance énergétique de la Fabrica et les mobilités douces ne sont pas oubliées. Un point reste pour moi obscur : si « des poubelles de tri sélectif sont disponibles pour les équipes », le public disposera « de poubelles bi-flux . » Bi-flux ? et pourquoi une telle ségrégation entre équipes et public, dans notre univers républicain égalitaire ?

Visant les sommets, la Charte doit permettre au Festival de « Placer la marge au centre de l’attention » … « pour une plus grande conscience du monde » : Pas besoin de fumer la moquette, le festival va nous immerger directement dans le nirvana cosmique de Gaïa notre mère !

On commence en douceur, avec la nature, qu’il convient de célébrer et de choyer :

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Mais depuis Gramsci, nous savons que la lutte politique se gagne par la lutte culturelle, nos «  intellectuels organiques  » (toujours selon Gramsci) nous le rappellent constamment... Notre président lui-même déclare qu’avec le Covid nous sommes entrés en guerre, comment s’étonner dès lors que le Festival entonne la trompette guerrière dès la première page d’introduction : si le Festival est une fête, c’est aussi un combat (CQFD) :
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Sous ce titre, Tiago Rodrigues -le fringant directeur du festival - l’affirme :
« Nous nous rassemblons dans la lutte pour une planète où pourront vivre les prochaines générations... Nous faisons une fête qui est un combat pour un avenir souhaité... »
Et bien entendu, la programmation reflète cet « impératif catégorique » kantien. À tout seigneur tout honneur, la scène se doit de refléter les luttes sociales des artistes, avec en arrière-plan les glorieux et mythiques combats des intermittents du spectacle. Vingt ans déjà, c’est la minute nostalgie : :
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Mais selon le cathéchisme « intersectionnel » les luttes des peuples indigènes ne doivent pas être oubliées :
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Google m’a précisé que les Suruí sont un groupe indigène du Rondônia au Brésil qui parle le paiter-suruí, de la famille linguistique Mondés reliée au groupe linguistique Tupi... Vous savez tout. Ce petit encart nous rappelle aussi que nous sommes dans un monde où «  tout le monde, il est artiste » Nous avons ici deux professeurs artistes de l’ESAA (École supérieure d’art d’Avignon) un juriste artiste Surui et une activiste Surui, dont on ne précise pas si elle est seulement activiste ou également artiste...

Dans un tel contexte, l’on ne pouvait éviter de parler de l’Ukraine, sans qui la guerre ne serait pas ce qu’elle est. C’est chose faite, en réunissant autour d’une metteuse en scène et d’un critique théâtral, des professeurs et des conseillers spéciaux pour discuter de la remise en question de l’idée européenne. Ne vous méprenez pas, vous n’êtes pas sur BFM TV mais au théâtre ! Prenez votre pied !
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Rien n’a été oublié par les programmateurs. La question trans est traité mais par une seule pièce : TRANS (Més enllà) de Didier Ruiz. Curieusement, pour une pièce Trans, la Cie de Production s’appelle La compagnie des Hommes. Non, ce n’est pas un gag. Mais rassurons nous, c’est du lourd ! « Clara, Sandra, Leyre, Raúl, Ian, Dany et Neus arrivent au plateau et se présentent comme ils sont : des hommes et des femmes, longtemps assignés à un genre, dans un corps vécu comme une prison... Ce second volet d’un diptyque consacré aux invisibles propose autour de la question du genre un début d’entendement à la complexité humaine. »

S’il faut à tout prix mentionner des regrets, je regrette que ce Programme soit écrit en bon français classique compréhensible par tout un chacun. Où est donc passée l’écriture inclusive qui permet de se retrouver entre soi loin du vulgaire ? Sans elle, comment peut-on se sentir vraiment appartenir à la Communauté progressiste ?

Foin des critiques, restons sur du très positif : Je suis sorti de cette lecture, édifié, éclairé et transfiguré par la hauteur du niveau moral de la saison festivalière 2023. Je vais donc devoir entreprendre un long périple de rénovation intellectuelle qui transformera, si Dieu le permet (j’allais écrire Si dieu le Veult !, mais il ne faut pas exagérer) qui transformera donc un vieux conservateur (sans aucun doute nauséabond comme on dit sur le Service public audiovisuel) en un être enfin moral et résolument progressiste. Je ne vous cache pas qu’avec moi il va y avoir du travail : Mes amis, ne me laissez pas tomber ! soutenez-moi dans ce Coming out !

Vous venez de le constater, on s’amuse comme l’on peut lorsqu’après avoir assisté au Festival avec assiduité et passion pendant vingt ans l’on est obligé de le déserter pour cause d’incompatibilité radicale avec la chaleur. C’est donc un amoureux transi du Festival qui vient de vous faire sa petite crise de critique acide...

Pour conclure, trinquons avec la quatrième de couverture de notre brochure du festival : même les Côtes du Rhône, mécènes du Festival donnent dans la diversité, avec une devise qui me rappelle celle des Quartiers : le respect...
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François-Marie Legœuil 
le 1er juillet 2023