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Pour flâner, débridez votre imagination :

Aujourd’hui, pour se vendre, un film, un livre doit s’inspirer « d’une histoire vraie ». Le prix Renaudot (2015) ne s’intitule-t-il pas «  D’après une histoire vraie  » ? On a l’impression, fausse bien entendu, que le roman s’est effacé devant le document. Ce qui fascine, ce sont « la vraie vie », les « vrais gens  ». Mais pourquoi donc irais-je au cinéma voir la vraie vie, alors que je peux la contempler à loisir chez moi ou dans ma rue ? Pourquoi passerais-je mes nuits à lire un auteur qui me parle de sa vraie vie dont je n’ai que faire ?

avignon La réalité de la fiction, de l’Art est tellement plus vraie, plus forte, plus passionnante.

Dans Le Déclin du Mensonge, Oscar Wilde expose sa certitude que c’est l’Art qui crée la réalité et non pas la réalité qui crée l’Art : « La littérature devance toujours la vie. Elle ne la copie pas mais la modèle à son gré. Le XIXe siècle, tel que nous le connaissons, est, pour une grande part, une invention de Balzac. Nos Lucien de Rubempré, nos Rastignac et de Marsay firent leurs débuts sur la scène de la Comédie Humaine… De qui nous viennent, si ce nest des Impressionnistes, les merveilleux brouillards bruns qui viennent se traîner dans nos rues, estompant les becs de gaz et changeant les maisons en ombres monstrueuses ? … Nous avons tous vu ces temps-ci, en Angleterre, comment un certain type de beauté, curieux et fascinant, inventé et accentué par deux peintres imaginatifs a si bien influencé la vie que partout où l’on va … on voit, ici, les yeux mystiques du rêve de Rossetti, la longue gorge d’ivoire, l’étrange mâchoire carrée, la flottante chevelure d’ombre qu’il aimait d’une telle ardeur… un artiste invente un type et la vie essaie de le copier… »

André Chastel développe une idée semblable : contemplant la fantastique hauteur des cheminées de Chambord, il estime que ce château des plus réel n’est que la copie du fabuleux palais d’Apollidon enfanté par l’imaginaire fantastique du moyen-âge de l’Amadis des Gaules. Chambord, qui en retour, en une véritable mise en abyme inspira dit-on à Rabelais l’architecture de Thélème.

Selon Malebranche :« L’imagination est une folle qui se plaît à faire la folle. Ses saillies, ses mouvements imprévus vous divertissent, et moi aussi. » C’est pourquoi je vous propose de mettre avec moi en pratique le bon conseil de Fénelon qui pour lui n’en était pas un : «  Votre imagination sera errante sur mille vains objets ; elle sera même plus ou moins agitée, suivant les lieux où vous serez, et suivant qu’elle aura été plus ou moins ébranlée par des objets plus vifs ou plus languissants. Mais qu’importe ? L’imagination, comme dit sainte Thérèse, est la folle de la maison ; elle ne cesse de faire du bruit, et d’étourdir. »

Mais pourquoi suivre cette voie diront certains ? Pour notre seul plaisir ! Comme le constate oulipiennement François Le Lionnais : « Et puis, il y a le disparate-plaisir, le plaisir de se vautrer dans le disparate. On pourrait l’appeler l’hétéroclite, par exemple. C’est du disparate pour épicurien, pour dilettante, pour amateur – ce n’est pas pour moi le plus important, mais pas le moins important non plus. »

Alors, Amis, je vous le demande :
Dans les fictions disparates que je vous propose, dans tout cet hétéroclite,
quels liens y-a-t-il entre :
Lucien de Samosate, Nantucket, Pinocchio, un Renard, Marie Mancini,
les W.C. de la gare de Caen ?
Serait-ce la table des matières d’un inédit de Georges Pérec ?
Lisez donc ces quelques textes
et vous enfourcherez le balai de la sorcière, ou plutôt de l’imagination :
Ami de passage… Bon voyage !